De notre envoyée spéciale, Julie Rafondriaka,
Les législatives anticipées du 25 novembre au Maroc ont eu leur lot de surprises et de retournements de situations. Du taux de participation de 45% qui a démenti les pronostics alarmistes, à la franche percée des islamistes du PJD, en passant par la débâcle des libéraux du RNI,
ces élections peuvent être considérées comme celles d’un nouveau départ politique au sein du royaume chérifien.
Ainsi, avant même l’annonce des résultats définitifs, les islamistes modérés du Parti de la Justice et du Développement (PJD) étaient crédités d’environ le quart des sièges au Parlement. Une victoire sans grande surprise dans le contexte du « Printemps arabe » qui a favorisé la montée des islamistes, notamment en Tunisie voisine. Mais la comparaison avec le cas tunisien s’arrête là. Car si le parti Ennahda était réprimé et ses dirigeants emprisonnés ou exilés en Tunisie, le PJD au contraire fait partie du paysage politique marocain depuis plus d’une décennie. Avec 47 sièges dans le parlement sortant, les islamistes marocains constituaient le premier parti d’opposition et la deuxième force politique du pays. Conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution adoptée le 1er juillet dernier, le roi devrait donc désigner le prochain chef de gouvernement dans leurs rangs. Ce qui préfigure d’ores et déjà d’une alternance politique sereine, résultat d’une maturation de l’expérience démocratique au Maroc. Les prévisions qui donnaient une grande avancée du RNI (Rassemblement National des Indépendants), ont été totalement démenties par une déroute d’autant plus surprenante que le parti a mené une campagne avec la foi du vainqueur. C’est finalement le parti islamiste d’opposition qui arriverait en tête, suivi du Parti Authenticité et Modernité (PAM), dont le fondateur Fouad Ali El Himma est un proche du roi Mohammed VI. Le parti de l’Istiqlal, dont le leader Abbas El Fassi est le chef du gouvernement sortant, est crédité d’une modeste troisième place. Un classement qui ne surprend pas outre mesure, compte tenu de son bilan mitigé à la tête du gouvernement. Mais l’Istiqlal peut toujours compter sur une vraisemblable alliance avec les islamistes pour maintenir un pied dans le gouvernement. Côté organisation, les observateurs internationaux ont souligné que le scrutin s’était déroulé dans des conditions satisfaisantes. Il faut dire que le ministre de l’intérieur marocain, Taïeb Cherkaoui, avait pris soin de verrouiller le processus en demandant aux agents de l’Etat la plus grande sévérité si des fraudes étaient constatées. Un pari gagnant au vu de réactions positives de la rue marocaine, qui semble heureuse de donner leur chance aux islamistes modérés, qui sont désormais aux portes du pouvoir exécutif. Moins de six mois après avoir annoncé son souhait de réformer la constitution, ces élections constituent également un coup de maître tactique pour Mohammed VI, qui se place ainsi en garant d’un processus démocratique qui laisse leur place à toutes les sensibilités du complexe échiquier politique marocain.