En Tunisie, la guéguerre a bel et bien éclaté entre le nouveau gouvernement et les journalistes. Un retour aux anciennes méthodes en vigueur sous le régime autocratique du président déchu Zine El Abidine Ben Ali est à l’origine de ce conflit.
Lundi matin, des centaines de journalistes tunisiens sont descendus dans la rue à Tunis, pour manifester contre la main mise de l’Etat sur la liberté d’expression et contre des nominations jugées « illégales » à la tête de certains médias publics. Ils étaient près de 300 journalistes de la presse écrite et audio-visuelle tunisienne à se rassembler devant le siège du gouvernement à la Kasbah, pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « pratiques rétrogrades » et contester les récentes nominations par le gouvernement des principaux responsables des médias publics. « Vous, les rétrogrades, enlevez vos mains de la presse! », « La presse est publique et elle n’est pas gouvernementale », « Non à la peur, non à la terreur, le pouvoir est au peuple », scandaient les manifestants. Deux jours auparavant, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali du parti islamiste Ennahda, avait annoncé plusieurs nominations à la tête des principaux médias publics mais aussi à des postes de rédacteurs en chef. L’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC), mise en place après la révolution tunisienne, s’est dite surprise par de telles nominations, regrettant dans un communiqué, le retour aux « pratiques de contrôle, de censure et de soumission (des journalistes) au diktat politique ». De son côté, Nejiba Hamrouni, présidente du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) qui participait à la manifestation de lundi, s’est dite « choquée de voir des symboles de la corruption de l’ancien régime, qui avaient contribué à la répression des journalistes, couronnés aujourd’hui par le nouveau gouvernement ». « Nous lançons un cri d’alarme après la multiplication des exactions et des agressions à l’encontre des journalistes et nous dénonçons aussi les récentes nominations anarchiques à la tête des médias, sans prendre l’avis des instances spécialisées », a déclaré Hamrouni. Les nouvelles nominations annoncées par la primature ont concerné la direction de l’agence de presse tunisienne « TAP » confiée à Mohamed Taieb Youssefi, journaliste à la TAP et ancien attaché de presse dans des gouvernements sous l’ancien régime. A la tête des directions de la première et de la deuxième chaîne de télévision ont été désignés le réalisateur Sadok Bouabbene et la journaliste et animatrice Imène Bahroun. Le gouvernement a également nommé deux rédacteurs en chef au journal « La Presse » et un directeur de l’information à la télévision tunisienne. De nouveaux dirigeants devraient être nommés au journal « Essahafa » et à la société nationale d’impression de presse (SNIPE).