Fouad Badrawi est secrétaire général du parti Al Wafd. Cet avocat de 58 ans est une personnalité incontournable de la politique égyptienne, issu d’une lignée d’hommes politiques. Son grand père, Fouad Serageddin, était ministre de l’intérieur et des finances après l’abdication du roi Farouk. Celui que tous les égyptiens appelaient « Fouad Pacha » a été emprisonné à de multiples reprises par Nasser et Sadate. Serageddin a fait revivre l’opposition politique dans les années 80 en refondant Al Wafd (La délégation), le plus vieux des partis égyptiens. Interdit par Nasser en 1952, le parti renait sous le nom de Néo-Wafd en 1978. Laïc et libéral à l’origine, ce parti de centre-droit a notamment été présidé par une femme dans les années 20, la pionnière du féminisme Huda Sharawi.
La Lettre Méditerranée :
Le formidable élan du 25 janvier, celui des manifestants de la Place Tahrir, est-il « découragé » ?
Fouad Badrawi :
-« Pas du tout. D’abord les manifestations reviennent régulièrement sur la place Tahrir. Tous les partis politiques ont intégré des jeunes manifestants de janvier dans leurs équipes. Ils sont présents dans les nouvelles réflexions, les nouvelles propositions. « L’esprit Tahrir » est bien vivant, personne ne peut le tuer. La révolution continue tant que les vœux, les demandes des manifestants ne sont pas exaucés. »
La Lettre Méditerranée :
L’Egypte est-elle vraiment libre et démocratique aujourd’hui ?
Fouad Badrawi:
-« Bien sûr. L’Egypte est aujourd’hui un pays qui fait l’expérience de la démocratie, de la liberté. C’est compliqué ! Mais tous les mouvements politiques ont le droit de s’exprimer. Chacun peut dire ce qu’il veut sans risquer d’être contrôlé, poursuivi, emprisonné…ou simplement « chassé » de l’espace public. »
La Lettre Méditerranée :
Si l’on se réfère au nombre de militants, « Al Wafd » est aujourd’hui le premier parti d’Egypte. Qu’attendez-vous des prochaines élections législatives? Espérez-vous les remporter ?
Fouad Badrawi:
-« En tant que grand parti nous avons le devoir de présenter des candidats solides dans toutes les circonscriptions d’Egypte. Concernant le résultat des élections, mon point de vue c’est qu’il n’y aura pas un seul parti majoritaire dans la prochaine assemblée, il y aura même un peu de tout. Tous les mouvements politiques seront représentés. Cela les amènera à négocier, sans doute se regrouper, s’allier et trouver des valeurs communes pour qu’une nouvelle constitution soit adoptée rapidement. »
La Lettre Méditerranée :
« Al Wafd » est-il en position favorable pour diriger le pays ?
Fouad Badrawi:
-« Dans un parti, il est logique d’espérer obtenir un maximum de sièges pour accéder ensuite au gouvernement. Mais, je le répète, cela ne va pas se passer ainsi. Pour la période qui vient, je pense que – de toutes façons – le peuple égyptien attend une grande « alliance démocratique » de tous les partis politiques pour désigner un gouvernement de transition et désigner les représentants à l’assemblée constituante. Et c’est l’intérêt du pays qui doit primer. »
La Lettre Méditerranée :
L’influence des « Frères Musulmans » est de plus en plus importante sur la société égyptienne. Vous avez négocié un accord avec leurs représentants politiques… Dans quel but ? Préparer le futur gouvernement ?
Fouad Badrawi:
-« Pour notre parti, il n’est pas question de se servir des « Frères Musulmans » pour accéder au pouvoir. Mais, dans le même temps, nous avons négocié un accord avec les « Frères Musulmans » comme avec un certain nombre d’autres mouvements politiques dans la perspective de la composition d’une assemblée constituante. Il fallait définir des valeurs communes à tous nos mouvements politiques. Nous avons essayé d’anticiper les résultats pour que le système ne soit pas bloqué, qu’il n’y ait pas de crise politique et qu’une constitution soit adoptée. Nous pensons que – dans un premier temps – aucune majorité claire ne va se dégager. Aucun parti ne sera en mesure de diriger tout seul le pays à l’issue de ces premières élections. »