Réélu il y a peu à la tête de la fédération marocaine d’athlétisme et patron de Maroc Télécom depuis plusieurs années, Abdeslam Ahizoune a eu une trajectoire de météorite qui a démarré il ya près de vingt-cinq ans, sous le règne du Roi Hassan II.
Fait paradoxal pour un homme qui dirige une entreprise de télécoms, même les meilleurs spécialistes des arcanes du Royaume chérifien ne se risqueraient pas à cartographier le « réseau » de cet ancien élève de Télécom Paris, aujourd’hui âgé de cinquante-cinq ans.
«Insaisissable, Abdeslam est une sorte d’artichaut », nous confie ce fin connaisseur du Makhzen rencontré dans un palace casablancais, avant de poursuivre « quand on pense avoir tout épluché, il en reste encore une couche… ». Dans un pays où le réseau d’influence est aussi essentiel que les compétences ou les diplômes, l’on ne connaît pourtant pas de « parrain » officiel à Ahizoune.
Pendant longtemps, les observateurs ont spéculé sur la proximité qu’il avait avec le plus proche conseiller du roi Mohammed VI, Abdelaziz Meziane Belfkih, décédé il ya peu. Mais il semblerait que la passion commune des deux hommes aie plutôt été d’ordre sportive, à travers une partie hebdomadaire sur les greens du Royal Golf de Rabat. Certains ont tenté de décoder le positionnement d’Ahizoune face à la jeune garde rapprochée de Mohammed VI, mais là aussi, le patron de Maroc Telecom a pris grand soin de se situer à équidistance des différents pôles en présence, afin de ne fâcher personne.
Enfin, depuis que Vivendi est entrée dans la capital de Maroc Telecom au début des années 2000, l’on a volontiers voulu présenter Ahizoune comme l’un des acteurs essentiels de l’axe Paris-Rabat des affaires, rôle qu’il ne semble pas vouloir assumer malgré une participation active dans le cercle d’impulsion franco-marocain, codirigé par Jean-René Fourtou (VIVENDI) et Mustapha Bakkoury (MASEN).Depuis son bureau de l’avenue Hay Riad à Rabat, le Président de Maroc Télécom a mis en place un système de management assez particulier, alliant méthodes de gestion modernes et paternalisme bon teint. Entouré de deux assistantes qui sont autant de « tours de contrôle », Ahizoune s’occupe en priorité du développement africain de l’entreprise, et passe une bonne partie de sa journée au téléphone, sollicitant de ses collaborateurs des rapports qui seront ensuite scrutés par le Président avec la précision d’un chirurgien. Et gare à l’erreur où à la coquille oubliée dans le texte ! « Si Abdeslam », comme l’appellent ceux qui travaillent pour lui, ne laisse rien passer et peut se montrer assez cassant s’il n’apprécie pas la qualité du travail qui lui est fourni. Pointilleux et exigeant, Ahizoune mène un train d’enfer à ses collaborateurs, « il faut bien cela » aurait-il dit pour diriger un « opérateur désormais global » qui est présent dans 5 pays africains : Maroc, Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Gabon. Cette croissance externe africaine fait de Maroc Telecom le fer de lance de la stratégie des « champions nationaux » prônée par Mohammed VI, qui souhaite que les grandes entreprises marocaines se lancent à la conquête des marchés africains pour accompagner l’expansion économique du Royaume. Derniers développements en date, Maroc Telecom se positionnerait sur l’appel d’offres lancé par le Bénin afin de privatiser son opérateur historique Bénin Telecom, et se retrouve une fois encore opposée à …France Telecom, qui s’est redécouvert une vocation africaine depuis l’arrivée à sa tête de Stéphane Richard, l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde. Richard a d’ailleurs marqué un grand coup en rachetant 40% du second opérateur marocain Méditel, ce qui promet de belles joutes en perspectives entre les deux opérateurs, le marché marocain étant l’un des plus dynamiques d’Afrique…