Kyriacos Koushos, le porte-parole du gouvernement chypriote a annoncé mardi dernier que le pays allait mettre fin aux « passeports en or », ce programme d’investissement chypriote qui permet à des non-européens d’obtenir un passeport européen en échange d’investissements très élevés, dont le montant est fixé par le gouvernement.
La décision doit devenir effective à partir du 1er novembre. Les passeports dorés permettent à un ressortissant russe ou chinois, par exemple, qui achète une très belle résidence à au moins 2 millions et demi d’euros d’obtenir, en contrepartie, la citoyenneté européenne et le droit de circuler librement parmi les 27 sans qu’on ne lui pose aucune, et sans même être obligé de se domicilier à Chypre.
Nés en 2007, les « passeports dorés » se sont développés après la crise économique de 2013, au point qu’environ 4 000 personnes, la liste des noms n’étant pas publique, en ont bénéficié et plusieurs milliards d’euros sont ainsi venus renflouer les caisses du pays, alors au bord de la faillite.
Si Kyriacos Koushos a mis en avant les « failles de longue date, abus et exploitation » du programme pour justifier cette décision, le système est devenu une porte ouverte sur l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, la corruption avec des procédures d’attribution qui manquaient de transparence.
Une nouvelle enquête de la chaîne de télévision Al-Jazeera a montré que des politiciens haut placés, notamment le président du parlement, sont prêts à se plier en quatre pour aider un client étranger, en réalité un journaliste qui tournait en caméra cachée, à obtenir un passeport, malgré son casier judiciaire. Et en 2019, une enquête a été ouverte après l’attribution d’un passeport à des proches du Premier ministre cambodgien, notamment le chef de la police, impliqué dans la répression des manifestations antigouvernementales.
La commission européenne, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) et les ONG mettent régulièrement la pression sur les Etats, une vingtaine de pays comme le Portugal, Malte, la Bulgarie, l’Autriche ou encore l’Espagne qui y ont également recours, pour qu’ils abandonnent le dispositif. Dans un rapport publié en 2018 par les ONG Transparency International et Global Witness, au cours des dix dernières années, les « passeports dorés » ont attiré en Europe 6 000 nouveaux citoyens, 100 000 résidents et environ 25 milliards d’euros.