La Cour d’appel néerlandaise de La Haye a confirmé dans une décision publiée hier mardi, la sentence arbitrale de juillet 2014 qui avait condamné l’Etat russe à indemniser les anciens actionnaires majoritaires du géant pétrolier Ioukos à hauteur de plus de 50 milliards de dollars.
Cette décision est le dernier épisode d’une longue saga judiciaire qui a commencé il y a plus de quinze ans. Arrêté en 2003 et accusé de fraude fiscale, alors que les compagnies pétrolières américaines Exxon Mobil et Texaco étaient prêtes à racheter sa compagnie pour 20 milliards de dollars, le fondateur de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, qui était alors l’homme le plus riche de Russie, avait cédé ses parts à ses partenaires.
Mikhaïl Khodorkovsli a finalement été gracié par le président russe Vladimir Poutine en décembre 2013 et vit depuis en exil. Mais son empire pétrolier, qui était alors premier producteur d’or noir en Russie, avait été placé en liquidation judiciaire en août 2006.
Ioukos, à qui l’Etat russe réclamait des milliards de dollars d’arriérés d’impôts, avait été vendu à la découpe en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft qui est passé, grâce à ces nouveaux actifs, d’une entreprise de taille modeste à un géant mondial, piloté par Igor Setchine, un homme de confiance de Vladimir Poutine.
Les anciens actionnaires majoritaires du groupe Ioukos, regroupés dans la société GML, avaient alors intenté une procédure qui avait abouti en juillet 2014 par la décision fracassante des trois juges de la CPA (Cour permanente d’arbitrage), dont l’un nommé par la Russie, qui avaient jugé que l’Etat russe avait illégalement exproprié Ioukos. L’Etat russe avait été condamné à verser 50 milliards de dollars à titre d’indemnisation, aux anciens actionnaires.
Le Kremlin avait riposté. Ses avocats avaient affirmé que le traité de la Charte de l’énergie, signé en 1994 par la Russie et protégeant les investissements internationaux dans les projets énegrétiques, et sur lequel s’était appuyé l’avocat principal de GML pour obtenir réparation n’avait pas été ratifié et ne pouvait donc pas s’appliquer dans ce cas de figure.
Un tribunal civil de La Haye avait retenu en 2016 les arguments de la partie russe et annulé la fameuse sentence arbitrale de 50 milliards de dollars.
La décision d’hier de la Cour d’appel de La Haye, efface l’annulation de 2016, mais ce feuilleton est loin d’être terminé. Le ministère russe de la Justice a fait part de son intention de faire appel devant la Cour suprême des Pays-Bas, précisant que les ex-actionnaires majoritaires de Ioukos n’avaient pas la qualité d’investisseurs étrangers, à même de saisir le tribunal arbitral. Moscou remet également en cause le montant élevé de l’indemnisation de 50 milliards de dollars.