Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) déplore que 5.000 Erythréens fuient chaque mois leur pays. Ils constituent la seconde population, après les Syriens, à se lancer dans la périlleuse traversée de la Méditerranée.
Le régime du président Issaias Afewerki, au pouvoir depuis 22 ans, assume une grande part de responsabilité dans la migration massive en Erythrée. Le régime en place a établi le service militaire obligatoire illimité, pour bénéficier d’une main d’œuvre gratuite qui revêt l’aspect de l’esclavagisme, incitant en même temps des milliers de jeunes à fuir le pays. Cet élément donne le ton sur la nature du régime. «Un pays gouverné non pas par la loi, mais par la terreur», précise Sheila Keetharuth, la rapporteuse du HCR.
A l’origine, le service militaire devait durer dix-huit mois, mais, suite à la guerre avec l’Ethiopie en 2002, le gouvernement érythréen a lancé un programme de reconstruction du pays appelant la population à faire preuve de civisme et de patriotisme.
Du coup, le gouvernement a rendu indéfinie la durée du service militaire qui s’est transformé avec le temps en un véritable esclavage, ajoute la responsable du HCR. Les appelés sont tenus d’effectuer des travaux qui n’ont rien de militaire. De plus, contrairement aux promesses d’après-guerre, grâce à une rhétorique du «ni guerre, ni paix», 200.000 soldats n’ont pas été démobilisés.
Sheila Keetharuth parle également de violations systématiques des droits de l’Homme dans ce pays. Tout y passe, des atteintes à la liberté de réunion, aux exécutions extrajudiciaires. «Arrestations et détentions arbitraires, y compris la détention au secret; exécutions extrajudiciaires; torture; conditions carcérales inhumaines; atteintes à la liberté de mouvement, d’expression et d’opinion, de réunion, d’association et de religion; violences sexuelles et sexistes; et violations des droits de l’enfant» et la liste des abus n’est pas close, a-t-elle ajouté.
Depuis 22 ans, le pays est à la dérive. Il a obtenu son indépendance de l’Ethiopie en 1991, à l’issue d’une guerre de 30 ans, et est dirigé depuis d’une main de fer par Issaias Afewerki. Sofia, une réfugiée, raconte au Guardian (journal anglophone) les raisons de son départ pour Le Caire. «En Erythrée vous avez peur, même lorsque vous parlez à un membre de votre famille. La personne à côté de vous dans un café peut être un mouchard des services sécuritaires. Ils surveillent ce que vous faites. Chaque jour des gens disparaissent.»
Dans un centre de rétention à Tripoli, en Libye, ceux qui ont échoué dans la traversée de la Méditerranée racontent avec amertume leur désespoir. «Si le gouvernement libyen ne nous aide pas, si le HCR ne nous aide pas, si personne ne peut nous aider, alors on n’a pas d’autres choix que de rejoindre les passeurs», raconte une infirmière d’une trentaine d’années.